Les films de Mosco Boucault sont construits autour de figures héroïques, brulantes, sulfureuses, souvent « bigger than life », toutes génératrices de fiction, voire de mythologie, des figures dont le cinéma de fiction s’empare aussi. Parcourir son oeuvre est l’occasion d’une mise en regard de la fiction et du documentaire. En effet, Roubaix, une lumière (2019) d’Arnaud Despleschin est une adaptation du film de Mosco Boucault, Roubaix commissariat central, affaires courantes (2007). Dans Le traître de Marco Bellocchio (Sélection officielle Cannes 2019), on retrouve Corleone tel que raconté par Mosco Boucault dans Corleone, le parrain des parrains (2019). Dans ce face à face avec la fiction, le cinéma de Mosco Boucault nous permet de questionner l’expérience documentaire et sa particularité. 

 

Sans doute Arnaud Desplechin lorsqu‘il répond dans un entretien à Telerama que « ce qui lui semble distinguer la fiction du documentaire c’est l’identification » touche-t-il à un point crucial de cette expérience documentaire. Celle d’une altérité irréductible qui ne donne aucun moyen de se projeter et dont le spectateur ne peut être que le témoin. Peut-être que cette expérience documentaire proposée par les films de Mosco Boucault nous amène à découvrir un cinéma non pas fait pour apprivoiser l’altérité mais pour nous faire accepter l’étrangeté irréductible du monde et nous inviter à le regarder en face sans être aveuglé.

 

Adaptation de l'article "Mosco Boucault, une expérience documentaire" de Catherine Bizern, publié dans Les Cahiers du Réel. Ce texte a été reproduit et adapté avec l'aimable autorisation de l'autrice.