Des dockers sur un port : face aux milliers de conteneurs qui s’empilent chaque jour sur les quais, leurs silhouettes ne pèsent pas bien lourd. De cette image de la fragilité des hommes pris dans la mécanique implacable de la mondialisation, les créateurs de De grâce ont fait une tragédie. Celle-ci se glisse sous les apparences d’un polar, prenant pour toile de fond le trafic de drogue qui se mêle insidieusement au flux des marchandises dans les grands ports européens – un trafic devenu incontrôlable, représentant des milliards et instrumentalisant toujours davantage les individus. Le respectable patriarche du clan Leprieur (magnifique Olivier Gourmet) s’accroche à ses valeurs, mais les germes de la discorde sont là : secrets enfouis et règlements de compte sont les instruments de la fatalité qui pèse sur cette famille en apparence unie. Le drame ne se dénouera pas sans violence. La puissance des personnages et la mise en scène majestueuse de Vincent Maël Cardona (Les Magnétiques) donnent à cette série noire une dimension lyrique qui dépasse l’intrigue policière. Les interprètes, eux, sont tous au diapason : celui d’une note sombre, mais pas dénuée de lumière.