Au début des années 1970, alors que les émeutes raciales s’intensifient aux États-Unis, Ron Stallworth devient le premier Afro-Américain à servir dans la police de Colorado Springs. En butte aux provocations racistes de certains de ses collègues, il est d’abord cantonné aux archives avant de se voir confier une première mission délicate : infiltrer la conférence d’un leader noir. Désormais enquêteur, Ron Stallworth décide de faire bouger les lignes. Se faisant passer pour un suprémaciste blanc, il appelle la section locale du Ku Klux Klan, laquelle recherche de nouveaux membres. Une rencontre est programmée, mais Ron ne peut bien sûr pas s’y rendre : il sera "doublé" par son collègue blanc Flip Zimmerman (Adam Driver), qui, obligé de cacher ses origines juives, doit jouer un double rôle sur le fil du rasoir.

Mauvaises ondes, "good vibrations"
Incroyable mais vraie, l’histoire de ce jeune homme noir infiltrant le Ku Klux Klan ne pouvait se dérouler qu’en Amérique, contrée de l’outrance et des paradoxes où l’improbable et le réel se frottent et se cherchent. Combinant les forces antagonistes des suprémacistes blancs et du Black Power, elle ne pouvait non plus échapper à la dextérité de Spike Lee. Le réalisateur de Malcolm X ou du récent Da 5 Bloods – Frères de sang tire de ce fait-divers fameux un manifeste drôle, pop et enlevé, où le décorum mythique des seventies (musique détonante, pluie de références, looks flashy et montage au groove soigné) contrebalance les mauvaises ondes et les relents nauséabonds des propagandes séparatistes infusant la société. Si BlacKkKlansman bouillonne de phrases chocs et des idées-forces qui baignaient l’époque, telle une synthèse politique idéale, Spike Lee ne dédaigne pas pour autant le versant "action" de son film, empruntant au genre de l’espionnage son art du suspense. Au-delà de son regard rétrospectif et historique, le cinéaste ultraengagé parfait également les formes de son pamphlet en tissant des liens avec le présent, laissant affleurer l’ombre de Trump ici ou là, et cousant à la fin de son long métrage les images amateurs des manifestations dramatiques de Charlottesville (2017). Malgré l’humour omniprésent et les interprétations aux petits oignons de John David Washington et d’Adam Driver, on se surprend à songer que le passé n’a fait qu’empirer pour accoucher du présent.