Au cœur de Naples, chaudement entouré par sa bruyante tribu et par ses copains du quartier, Luciano coule des jours aussi heureux qu'industrieux, entre sa poissonnerie et une petite escroquerie à la retraite, deux affaires familiales qui tournent rondement. Mais un jour fatal, il se laisse convaincre par ses enfants de passer un bout d'essai pour une populaire émission de téléréalité, Il grande fratello - autrement dit, "Big brother", une luxueuse variante du Loft story français. Sélectionné pour l'étape suivante du recrutement, Luciano se met à y croire, pour son malheur.

Hénaurme
Après le coup d'éclat de Gomorra, portrait halluciné d'une société gangrenée par la mafia, Matteo Garrone peint avec Reality une autre face du microcosme napolitain, tel qu'il survit dans l'Italie post-berlusconienne de ce début de siècle. Orchestrant un match perdu d'avance entre le petit monde tapageur et naïf de Luciano et la vulgarité arrogante de la télévision, le cinéaste force rageusement le trait. De la sidérante et fellinienne scène d'ouverture à la messe géante devant Saint-Pierre de Rome qui annonce la fin du film, le chemin de croix de Luciano s'accomplit dans la plus pure tradition de la comédie napolitaine : une débauche de spots, d'effets, de coups de théâtre et de braillements, suscitant un rire hénaurme et noir. Dans le rôle principal, Aniello Arena, un détenu condamné à la perpétuité, qui n'avait pas eu l'autorisation de jouer dans Gomorra, crève l'écran. Après le Grand Prix du jury cannois décerné à Reality, Matteo Garrone vient de revenir sur la Croisette pour la troisième fois avec son fantastique Conte des contes.