Le 30 septembre 1955, James Dean, filant vers Salinas pour prendre le départ d’une course automobile, était fauché en pleine gloire dans un accident de la route. Avant la tragédie, qui a scellé sa légende, l’acteur aura néanmoins donné corps, avec une brûlante intensité, aux doutes, révoltes et aspirations d’une jeunesse déboussolée. Sur petit écran d’abord, dans des séries télévisées comme A Long Time Till Dawn, puis au cinéma, à travers trois films tournés en moins de deux ans : À l’est d’Éden d’Elia Kazan, La fureur de vivre de Nicholas Ray et Géant de George Stevens. Tour à tour fils incompris, ado en rébellion et cow-boy devenu magnat du pétrole, celui qui passa par l’Actors Studio a injecté dans chacun de ses rôles ses propres blessures, héritées de l’enfance. Car "Jimmy" a été privé à 9 ans de l'amour protecteur de sa mère, emportée par un cancer. Élevé par sa tante dans une ferme de l’Indiana, il n'a cessé de chercher la reconnaissance de son père, pour qui jouer la comédie n’était pas “un métier d’homme”.

À fleur de peau
Dans sa vie comme à l'écran, à travers ses personnages d’adolescent à fleur de peau, qui ont fait de lui l’icône d’une génération, James Dean a bouleversé la représentation de la masculinité en mettant à nu ses fragilités. Soixante-dix ans après sa mort, Cyril Leuthy (Godard – Seul le cinéma) entreprend d’approcher l’homme derrière le mythe en s’appuyant sur ses propres mots et sur les souvenirs de celles et ceux qui l’ont côtoyé (famille, amis, réalisateurs et acteurs avec qui il a tourné...). Ce récit choral, porté par les voix de comédiens habités, s’entremêle avec des extraits savamment choisis de ses films, dans lesquels il a mis tant de lui, et un riche fonds d’archives. On y découvre d’authentiques trésors, à l’instar d’une corrida – l’une de ses passions – animée image par image, qu’il a tournée avec des figurines, ou d’un essai filmé avec Sal Mineo pour La fureur de vivre, dans lequel les deux comédiens poussent l’ambiguïté sexuelle au-delà de ce qui était montrable en espérant contourner la censure. Un portrait intime, charnel et poétique, qui rend hommage à la modernité d'un acteur incandescent dont la sensibilité crève l’écran.