Une mince jeune femme brune au regard perdu déambule dans New York. Une fillette malicieuse fait le pitre sur les images au grain épais d'une caméra Super-8. La petite fille devenue grande s'appelle Clémence Boulouque, elle est aujourd'hui écrivain. Son père, juge antiterroriste après les attentats parisiens de 1985 et 1986, a mis fin à ses jours par une nuit de décembre 1990, alors qu'elle avait 13 ans. Célèbre pour ses documentaires d'investigation percutants (Le monde selon Bush), William Karel se fait ici l'écho du drame intime vécu par Clémence Boulouque, sans chercher à apporter un nouvel éclairage sur les responsabilités des politiques (Charles Pasqua, François Mitterrand ou Jacques Chirac) ou de la machine médiatique et judiciaire, laissant les extraits de journaux télévisés ou les coupures de presse parler d'eux-mêmes. Si la voix off est celle, remarquablement sobre, d'Elsa Zylberstein, les mots, justes et beaux, sont ceux du livre écrit par Clémence Boulouque, " Mort d'un silence ", publié en 2003. La menace permanente, les gardes du corps, les vacances gâchées, les feux des médias, tout dit l'enfance brisée par l'irruption brutale de la violence du monde. À travers les nombreuses photos et les films amateurs tournés par Gilles Boulouque se devine une famille unie et affectueuse, rendant d'autant plus déchirante l'issue finale, inévitable pour un homme progressivement rongé par l'isolement et l'abandon de ceux qu'il avait choisi de servir.