Spécialisé dans la maintenance des climatisations, le jeune Wang Xueming se dépêche de finir sa journée alors que sa petite amie l'attend pour aller au cinéma. Dans le noir, à bord de sa camionnette, il percute accidentellement un homme. Affolé, il s'enfuit lâchement puis revient dissimuler le cadavre. Mais le souvenir de son forfait le hante et, dévoré par la culpabilité, il entame une lente descente aux enfers, tente de se livrer à la police, puis y renonce. Wang ne peut s'empêcher de se rapprocher de Mme Liang, la veuve du défunt, à qui il voudrait avouer sa faute et qu'il tente maladroitement de protéger contre d'obscurs créanciers. Tandis que Wang, désormais traqué par malfrats et policiers, ne cesse de prendre des coups et s'enfonce dans la déréliction, Mme Liang s'efforce de faire le deuil d'un mari avec qui elle s'entendait mal et d'un fils fragile du cœur, mort trop tôt.


À mi-chemin entre le film de gangsters hongkongais et le pas de deux raffiné à la Wong Kar-wai, ce long métrage réussit à nous immerger dans la psyché tourmentée de son héros (formidable Eddie Peng) à l'aide d'une palette visuelle et sonore audacieuse. Tandis que la tendre ballade d'Elvis citée en titre hante le film, la musique, dissonante, s'entrelace au bruit lancinant des pales de ventilateur, ironique référence petit budget à celles des hélicoptères dans Apocalypse Now, réputé pour sa bande-son immersive. Mais malgré ou grâce à son imposant bagage d'allusions cinéphiles et d'effets de stylisation, le film n'en est pas moins touchant. Difractés dans des miroirs brisés, surexposés dans des éclairages sépia, les visages expressifs des deux solitaires, Wang et Mme Liang, distillent une sourde mélancolie. En arrière-plan, le réalisateur brosse la discrète dénonciation d'une Chine écrasée de chaleur et minée par la pègre, qui semble à la fois mise au pas et laissée à l'abandon.