Dans une ferme de la campagne allemande dominée par un ciel plombé, Adele, adolescente maussade, n’aspire qu’à cesser de vivre. Un objectif proche de l’obsession qu’elle croit pouvoir atteindre lorsque Timo, évadé de la prison locale, se réfugie dans l’exploitation familiale. La jeune fille propose alors un marché au fugitif : elle accepte de le cacher et de l’aider à condition qu’il s’engage, une fois en sécurité, à la tuer. Promesse acquise, Adele prend la route avec lui pour l’accompagner jusqu’à Marseille, la porte de l’Afrique...

Pulsion de mort et instinct de survie
Dans cet étrange road movie à travers bois, la pulsion de mort de la jeune otage consentante rivalise, à l’origine, avec l’instinct de survie de son ogre blessé de ravisseur. De cette complémentarité forcément chaotique va émerger, à travers le pacte troublant qui les lie, un apprivoisement mutuel admirablement filmé. Car au-delà du motif somme toute assez simple – bien que d’un irréalisme assumé – du scénario, la force et l’originalité du récit tiennent à la manière dont Emily Atef, cinéaste franco-iranienne née à Berlin, accompagne dans leur quête incertaine ces deux solitaires en déficit pathologique d’amour. Si les dialogues sont rares, les cadrages au plus près des comédiens – Maria Dragus, découverte dans Le ruban blanc, et Roeland Wiesnekker, empêtré dans son grand corps maladroit – s’éclairent à mesure que l’adolescente suicidaire bascule du côté de la vie et de la rédemption, alors que le duo franchit allègrement la frontière vers le sud de la France.